"Scaricabarile": il s'agit d'une expression italienne – elle indique l'attitude de ceux qui attribuent aux autres les responsabilités d’une situation en évitant de s'inculper - qui est très ancienne. Son utilisation est attestée en 1602 et cela prouve qu'il s'agit d'un comportement qui remonte loin dans le passé et qui a survécu jusqu'à nos jours. Ce mot, qui se traduit en français par l'expression "se renvoyer la balle", vient d'un jeu où les enfants, en se tournant les épaules, se soulèvent l'un l’autre. La politique italienne est imbibée de la logique de ce jeu, dans lequel la faute est de l’autre et où il est souhaitable de ne pas tourner les épaules pour éviter de mauvaises surprises. De plus il est bien de se méfier tant des amis que des ennemis, puisque parfois ce sont ceux à qui tu fais confiance qui te jouent des mauvais tours. La partitocratie italienne est un exemple efficace de la logique qui voit les uns sans arrêt contre les autres avec toutes les armes à disposition et en même temps elle met en évidence l’habitude très triste des luttes internes et fratricides au sein d'un même parti, qui conduisent à une inévitable perte de crédibilité. Les vieux partis italiens n'ont pas été détruits uniquement par "Tangentopoli", mais également par un éloignement progressif entre les citoyens et leurs élus, qui ont au fur et à mesure perdu la confiance des électeurs. La pratique du "scaricabarile" est encore présente, elle a résisté à tous les passages de ces années. Affronter concrètement les problèmes semble être moins efficace que employer les faits ou les circonstances pour dénigrer l’autre et cela est incroyable, voir même immoral. Prenons le thème de la dette publique: le centre droite et le centre gauche, une fois au Gouvernement, ont passé le temps à accuser les adversaires qui avaient gouverné avant eux d'avoir menti sur les bilans publics au lieu d'expliquer concrètement ce qu'ils auraient fait pour résoudre le déficit. Le cas de Alitalia, très récent, est parlant: tous les uns contre les autres et la solution devient plus compliquée. L'effort se concentre sur les responsabilités anciennes, récentes, historiques, passées ou présentes et, comme au tennis, on ne fait que tirer la balle dans le camp de l'adversaire. Il est intéressant de lire les déclarations sur les journaux ou d'écouter les interviews à la télé: on ne dit jamais ce qu'on pense sur un sujet, mais on polémique avec les autres avec des blagues ou avec arrogance, ce qui ne fait qu'éloigner la solution des problèmes. Il est certain, la politique est faite même de ces choses, qui la rabaissent, mais je crois que les citoyens demandent de connaître les idées et les solutions et qu'ils en ont assez des discussions inutiles ou des rebondissements des responsabilités. La politique de la faute aux autres est aveugle et elle se retourne contre ceux qui l'emploient. De plus, si on pense au moment dans lequel nous vivons, il est difficile de ne pas réfléchir au fait que les attitudes empêchent parfois de trouver l'entente nécessaire pour affronter des passages délicats. Jules Romain écrivait: «Une démocratie, c'est d'abord ça... le droit de parler comme des adultes, et non comme des enfants dissimulés». En évitant, justement, des jeux d'enfants.